10 novembre 2025

Ils ne sont pas morts pour la France, et pourtant !

J'ai vécu quelques années en Moselle. Mes repères tourangeaux y ont été parfois perturbés. La langue y est particulière, tout comme l'histoire locale. Et mon oeil curieux de généalogiste a pu y découvrir une mention spéciale sur les monuments aux morts.

Avant de vous dire laquelle, je vous rappelle un bout de l'histoire récente de la Moselle. Je précise bien "récente" parce que depuis plusieurs siècles, la Moselle a été une partie du Saint-Empire romain germanique, puis du royaume de France. A l'issue de la guerre de 1870, la France est défaite et cède l'Alsace et la Moselle au nouvel empire germanique en 1871. Les populations doivent s'adapter. Des lois coexistent puis une entité à part entière naît et s'installe. En 1911, une constitution voit le jour, et un drapeau est proposé en 1912, permettant à l'Alsace-Moselle de figurer comme les autres régions. Il est rouge en haut et blanc en bas, et porte une croix de Lorraine jaune. L'empereur Guillaume II ne valide pas ce drapeau, mais ce territoire contribue aussi aux combats de la guerre de 1914-1918. Cette fois, c'est l'Allemagne qui est défaite. L'Alsace et la Moselle sont réintégrées au territoire français après 44 ans de séparation.

La France entend faire le ménage, exclut la population originaire d'Allemagne, celle qui est Française mais qui a oeuvré dans l'intérêt de l'Empire, les enfants de familles "mixtes", etc. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont expulsées.

Les lois y sont parfois différentes, puisque celles qui ont évolué en France entre 1871 et 1919 n'y ont pas été appliquées. Notamment celle de 1905 séparant les Églises et l'État. Dans les années 1920, certains tentent d'imposer à ce territoire particulier l'application de toutes les lois de la France pour garantir une continuité de territoire, mais d'autres revendiquent la particularité de cette bande de terrain du fait de son histoire commune. Un compromis est trouvé, c'est un droit local.

Les élus d'Alsace-Moselle revendiquent fort les avantages acquis de la période impériale (sécurité sociale, régime des cultes, jours fériés...) et ne souhaitent pas que la population les perde. Les autorités françaises veulent surtout un apaisement et concèdent que le droit local perdure.

Mais revenons à nos mentions... je voulais parler de monuments aux morts. Et alors ? 

Alors, quand une région française souhaite ériger un monument à la mémoire des enfants du pays qui sont morts en défendant leur drapeau national, on grave "aux morts pour la France" dans la pierre, sous l'effigie du Poilu. Mais quand une terre annexée, puis redevenue française veut rendre hommage aux enfants morts au combat, vers quelle nation se tourner ? Et qui garantit que ce monument restera français ? La mention généralement retenue, et que je trouve moi aussi universelle, est "à nos morts" et aucun soldat ne figure sur le monument. On préfère généralement une statue féminine ou une allégorie différente. Voire pas de statue du tout, juste une stèle commémorative avec ces 3 mots. A nos morts. Et quelle complexité pour les maires actuels qui doivent lire un texte du ministre des Armées le 11 novembre, à la gloire des Poilus ayant défendu la France, devant un monument qui veut rendre hommage à des morts qui portaient un uniforme de l'ancienne armée ennemie.

Metz - Aux morts de la guerre


Rémilly - A ses victimes des deux guerres mondiales

Distroff - A ses enfants victimes des guerres

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