03 novembre 2025

Roger CONFOLENT, le survivant

Roger CONFOLENT est né à Tournon-Saint-Pierre en 1889. Ce village est le plus au sud du département d'Indre-et-Loire. Il est l'aîné de sa fratrie. Ses parents sont cultivateurs. 

A 20 ans, Roger s'engage dans une carrière militaire. D'abord à la mairie de Tours, au titre du 8e régiment de Cuirassiers pendant quelques années, puis fourrier (= sous-officier chargé du cantonnement des troupes, des distributions de vivres), il intégra ensuite l'école de cavalerie de Saumur (Maine-et-Loire). Mobilisé pendant la Grande guerre, il fut blessé à plusieurs reprises, essuya un bombardement, fut enterré par un obus, mais s'en dégagea. Sa fiche militaire témoigne d'une bravoure incroyable. Il reçu la Croix de Guerre en 1918 et fut promu chevalier de la Légion d'honneur en 1920.

A l'été 1920, il épouse Maria, la fille d'un géomètre de Maillé, qui est aussi le maire du village. Le jeune marié a 31 ans, l'épousée en a 22. Ils s'installent à Maillé, où ils ont 8 enfants entre 1921 et 1934. Le dernier né n'a vécu qu'un mois. A 36 ans, Roger demande sa retraite militaire. Il est alors agent d'affaires. Deux domestiques aident Maria à la maison, les soeurs GARNIER, de Pouligny (Indre-et-Loire). Il sera ensuite marchand de biens, puis géomètre, comme son beau-père.

Cette histoire n'est pas très originale. Un couple sans histoire et leurs enfants.

La Famille CONFOLENT en 1939. 
Crédit photo : La Maison du Souvenir

En février 1935, le père de Maria décède. La veuve rejoint donc la famille CONFOLENT. C'est aussi à cette période que la mère de Roger les a rejoints. Ils vivent tous sous le même toit, avec les deux bonnes (les soeurs GARNIER).

En août 1939, Roger est rappelé par l'armée, puis affecté au dépôt de Cavalerie, mais rayé des cadres puisque père de 7 enfants. Il est officiellement rennvoyé dans ses foyers en février 1940.

La guerre s'est invitée en Touraine, qui est traversée par la ligne de démarcation. La Résistance est active et je ne pense pas que Roger CONFOLENT en faisait partie. 

Le 25 août 1945, des Allemands ont entouré le village et ont tout mis en oeuvre pour éradiquer sa population. La famille CONFOLENT était à Maillé ce matin-là, au complet. Les parents - Roger, 55 ans, 46 ans. Les enfants : Pierre, 22 ans, Jehanne, 20 ans, Yves, 19 ans, René, 17 ans, Hélène, 14 ans, Jean, 12 ans et Claude, 11 ans. Les deux bonnes, Valentine et Georgette GARNIER. La grand-mère, Marie BERTRAND (mère de Maria GAMBIER). Le témoignage de Roger a été publié, il a raconté ce qu'ils ont vécu. Ce qui suit, bien qu'allégé par rapport au témoignage, pourrait choquer les plus sensibles. Vous pouvez passer les 4 prochains paragraphes.

Les coups de feu entendus le matin ont guidé Roger. Il a regroupé sa famille. Il ne manque que Pierre, l'aîné, qui est parti travailler dans le village. Vers 11h, René a dit avoir entendu le bruits des bottes. Jehanne est descendue à la cave avec les deux plus jeunes frères, Jean et Claude. Des Allemands arrivent rapidement dans la cour, et tirent. Roger va au-devant d'eux et leur parle en allemand. Les mitraillettes n'en tiennent pas compte. Il esquive une nouvelle rafale en se jetant en arrière. Yves, pensant qu'ils n'ont pas entendu, reprend les mots de son père, mais n'a pas sa chance. Il s'écroule le premier. 

Un Allemand entre dans la maison, par la cuisine où la famille est réunie, il tire en rafale. René est tué et Hélène blessée. Roger dit aux autres de tomber et de feindre la mort, ce qu'ils font, et l'Allemand s'en va.

Après ce terrible instant, Maria, la mère, indemne, emmène le corps de sa fille dans la chambre à côté. Les deux bonnes, qui s'étaient calées dans un coin, n'ont pas été touchées. Elles se réfugient dans l'escalier qui mène à l'étage. Maria et Hélène les suivent, mais un autre Allemand surgit et tire, Hélène n'est plus. Sa mère est blessée. Il jette une grande incendiaire dans la chambre et mitraille dans la cuisine ceux qui sont à terre. Roger n'est pas touché.
La grand-mère aussi a été tuée. L'incendie de la chambre prend de l'ampleur. Les Allemands sont toujours dans la cour. Roger rejoint sa femme dans la chambre, mais la trouve agonisante. Les soeurs GARNIER les rejoignent à leur tour, Valentine est blessée. Elle a pris une balle quand elle a voulu voir si les occupants de la cave allaient bien, mais un tireur qui l'avait suivie a tiré à travers la porte. Elle s'était laissée tombée sur Jehanne, et est passée pour morte. Ils restent ainsi dans la chambre jusqu'à 14h. Maria a succombé. De la pièce, ils entendent ce qui se passe dehors. Les cris de la voisine, arrêtés par un tir. Les allées et venues des Allemands. Dehors mais aussi dans la maison. Ils ont mangé et bu ce qu'ils y ont trouvé.

Quand Roger CONFOLENT est sorti, il s'est inquiété de son aîné, Pierre, espérant qu'il a survécu à l'horreur. Mais il le trouve rapidement étendu dans la cour, avec des traces de lutte. Ensuite, il a sorti chacun de ses proches, et a placé les corps dans le jardin.

Roger CONFOLENT a perdu toute sa famille ce jour-là : son épouse, leurs 7 enfants et sa belle-mère. Sa maison d'habitation et une partie des dépendances ont été détruites. Le pignon des servitudes de sa maison a reçu un obus.

Mais la vie continue. En 1946, Roger a 57 ans, il est apiculteur, et vit toujours à Maillé, avec les deux bonnes GARNIER, et un domestique polonais. Il vivra là jusqu'à son décès. Il fut Président du Comité des Sinistrés et contribua à la reconstruction, tant des humains que du village. Une dalle commémorative est placée dans le square du village, issue d'une souscription lancée par Roger. 

Il a également co-écrit le livre "Maillé, crime hitlérien" avec Louis DUPLESSIS (maire de Maillé) l'abbé PAYON (curé de la paroisse).

Cet homme, qui a survécu à la Grande guerre, puis a fondé sa famille avait tout pour couler tranquillement des jours heureux. Mais la route d'un groupe d'Allemands a croisé sa route et a tout anéanti. Pourtant, lui, n'a pas baissé les bras.

Roger CONFOLENT est décédé en avril 1960, à Maillé.

Tous les membres de sa famille massacrés à Maillé le 25 août 1944 ont reçu la mention Mort pour la France.

Lien vers le projet Maillé 1944

Lien vers le site de la Maison du Souvenir

Sources : 

Archives départementes d'Indre-et-Loire - fiche matricule militaire et état civil
Maillé Martyr - abbé PAYON - 1945 - Récit du massacre du 25 août 1944

1 commentaire: